C’était un 1er Décembre de l’an 1944, que la France a donné l’ordre d’assassiner froidement, ceux qui avaient contribué à la victoire lors de la grande Guerre. Nos vaillants soldats africains qu’ils avaient surnommés « Tirailleurs Sénégalais », ont été utilisés comme chair à canon entre 1939 et 1945 puis liquidés dans l’indifférence la plus absolue.
Selon les chiffres officiels, pas forcément fiables, 179.000 tirailleurs sénégalais sont mobilisés, dont 40.000 engagés dans les combats en métropole, soit 17.000 tués, disparus ou blessés en 1940 seulement. Ces africains avaient été arrachés à leur terre natale, pour venir repousser la menace Nazie avec conviction, telle a été leur œuvre grassement rétribuée.
À la fin de cette guerre meurtrière, ils auraient pu enfin retrouver leurs familles et se reconstruire après l’horreur de cette guerre imposée par Faidherbe l’instigateur de recrutement forcé.
Débarqués dans le camp de Thiaroye au Sénégal, le 21 novembre 1944 ces africains, de différents pays et non sénégalais comme le précisait leur sobriquet ridicule. Le terme « tirailleur » a une connotation péjorative car il signifie un « combattant doté d’une certaine liberté de manoeuvre et qui tire en dehors du rang », selon eux ce serait de la maladresse. Quelle insulte, quelle infamie, la force noire qualifiée de cannibale et sauvage méritait elle cette issue tragique ? Nous dirons qu’ils n’étaient pas soldats de métier mais ils se donné corps et âmes pour venir à bout de l’ennemi allemand.
Ces 1280 soldats originaires des pays d’Afrique Occidentale Française, ne se doutaient point que Thiaroye sera leur destination finale. Le 30 Novembre 1944, ils ont osé réclamé leurs arrièrés de solde et de leur prime de démobilisation, maintes fois refusées en France, avant leur démobilisation sur le sol africain. Cette révolte qui leur a poussé à séquestrer le général Damian en otage a été l’élément déclencheur. Le bataillon de Saint-Louis ordonna une répression de la mutinerie dans la nuit du 1er décembre.
Un crime de « la mère patrie », comme ils avaient pour habitude d’appeler l’état colonial. Ils auraient pu exulter de cet exploit, comme tous les autres et recevoir les honneurs qu’ils méritaient.
Seuls trente d’entre eux ont survécu mais ils ont été écroués pendant 1 à 10 ans, ont perdu tout droit à indemnisation militaire et frappé d’une condamnation pécuniaire. En1947, ils ont été réhabilités par le président Vincent Auriol, sans droits ni pension de retraite.
Les disparus gisent ça et là dans une fosse commune, une trentaine seulement ont pu être inhumés dans des tombes individuelles, afin qu’on ne puisse pas mesurer l’ampleur de cette tragédie.
Ce cimetière jadis délaissé a été réfection né et constitue un lieu de pèlerinage pour tout africain qui souhaite faire ce devoir de mémoire . Ce n’est que le 23 Mai 2004, que nous avons commémoré au Sénégal, la journée du Tirailleur Africain. Ces héros de guerre tombés dans l’oubli ont eu leur hommage posthume pour la première fois, ils sont alors entrés dans l’histoire !
Mamadou Moustapha Dieng, dans sa contribution parue dans le quotidien le Soleil du 23 août 2004, intitulée « Les tirailleurs sénégalais enfin ressuscités », reconnaissait justement que : « cette tragédie qui a été rangée dans le musée de l’oubli à l’image de ces corps enfouis dans les tombes noires de Thiaroye, méritait depuis longtemps un sort qui soit à la dimension de l’injustice et de l’ingratitude dont ils ont été victimes depuis 1944. Sur cette affaire qui mérite un procès au même titre que celui qui se passe sur la Bosnie, le peuple sénégalais semble avoir été victime d’une amnésie collective. »
Maimouna Dia