Un récit véridique pour vous familiariser avec certaines réalités africaines …
Je vais vous raconter l’histoire de Mame Codou, une illustre guérisseuse d’origine Sérère au cœur d’une des traditions sénégalaises.
Appelez-moi Mamyta Mbacke …
Je suis venue vous raconter une belle histoire, sortie tout droit du village de Makhadji commune de Patar Sine région de Fatick, en contrée Sérère.
J’ai choisi aujourd’hui de partager, ici, mon premier témoignage en vous parlant de quelqu’un que je connais bien et dont la complicité qui nous lient est au delà de toutes connexions imaginables… Il s’agit de Mame Codou ma grand-mère…
Chaque année, « Mame Codou » exécute à la lettre les recommandations que lui avait fait son père avant de quitter ce monde. Son défunt père lui avait conseillé de réaliser un rituel précis une fois qu’il aura quitté ce monde. Celui-ci consistait à verser sur sa tombe du lait caillé, du LAKH », de l’eau ainsi que du sucre.
Petite précision pour ceux qui ne connaissent pas encore, le LAKH est une bouillie de mil généralement accompagnée de lait caillé sucré. C’est une recette traditionnelle sénégalaise que l’on déguste lors d’évènement tels qu’un baptême, un mariage ou le jour de la fête de l’AID EL FITRE ou AID EL KEBIR.
Le rituel auquel s’adonnait Mame Codou devait avoir lieu, après chaque récolte. Le travail de la terre est tout aussi précieux que le respect qu’on lui porte. Certains l’appelle GAIA moi, je l’appelle ma douce Terre-Mère….
Alors, ces conseils du père? me direz-vous…
Oui, il s’agit en fait d’une règle très sérieuse à respecter…
Avant de manger toutes nouvelles récoltes, que ce soit du maïs, du couscous à base de mil où, de la canne à sucre, Mame Codou se devait de « nourrir d’abord ses ancêtres…. ».
Si toutefois, cela n’était pas exécuté selon les conseils des anciens, il semblerait qu’elle s’exposait à quelques désagréments qui pouvaient être d’ordre physiques.
Les rumeurs disaient que la sentence des défunts se manifesteraient par la provocation de divers troubles dont une perte de l’usage de la parole où même par le fait de devenir paralysée tant que ce rituel n’était pas accompli dans les normes indiquées.
D’ailleurs en 2018, les rumeurs ont pu être vérifiées par tous, lorsque Mame Codou a mangé du couscous à base de mil, juste après la nouvelle récolte, sans pour autant, avoir pris la peine de remplir ce devoir laissé en héritage.
Elle a rapidement fini hospitalisée à l’hôpital de NIAKHAR dans la région de FATICK l’une des 14 régions du Sénégal.
Ne pouvant plus s’exprimer car devenue d’un coup muette, c’est sa fille aînée qui a eu le réflexe de se poser les bonnes questions.
L’ainée de ses enfants a donc fini par avoir le déclic en se disant : « et, si c’était un message des ancêtres? Et, si cet état était « symboliquement provoqué » par les ancêtres mécontents?
C’était probablement une façon pour eux de la ramener vers certaines réalités de nos traditions qui sont à respecter à la lettre. Toujours est-il que toute une délégation de membre de la famille s’est retrouvée à son chevet et, ils sont tous partis ensemble en direction de MACKADJ le village natal de grand-mère. Ils l’y ont transportée et, l’ont déposée au pied du grand baobab en présence de toute une assemblée de natif de la région donc, des Sérères, pour effectuer le rituel requis.
Sa fille a commencé par prendre un bol de lait caillé avec du sucre qu’elle a fait tourner sept fois de suite, au dessus de La tête de sa maman, avant de verser le contenu de celui-ci, tout au tour de la tombe de son grand-père et, autour du grand baobab. C’est à partir de ce moment, seulement, que Mame Codou a subitement retrouvé l’usage de la parole et de ses membres. Tout le village était présent. Tous les habitants sont sortis de chez eux pour venir assister à ce miracle. Ensuite, Mame Codou a fait appeler la majorité des enfants du village auxquels elle a donné des offrandes. Elle a terminé le rituel en prenant soin de formuler des prières que, bien sur, personne ne comprenait. Il existe des secrets qui ne se révèlent pas à n’importe qui, où n’importe quand et, n’importe comment. La transmission est importante dans nos sociétés qui sont secrètes et mystiques mais, elles obéissent à des codes très strictes.
Ainsi, Mame Codou fit comprendre à toute la famille, qu’elle ne devrait plus jamais manger une nouvelle récolte, « avant son défunt père » où ces ancêtres. Les recommandations de son père étaient à prendre très au sérieux même si elle n ‘en comprenait pas toutes les arcannes. Avant de mourir, son père avait pris la peine de lui transmettre un savoir issu de traditions anciennes et elle se devait d’y être fidèle. Ainsi, elle a pu rentrer chez elle, l’esprit serein, accompagnée de sa fille ainée, qui était très heureuse que sa mère ait retrouvée sa santé et surtout l’usage de la parole. C’est un village sous le coup de nombreuses interrogations avec des habitants stupéfaits par ce qu’ils venaient de voir, qu’elle a quitté en gardant toujours son sourire ainsi que son air malicieux et espiègle que tous lui connaissaient.
En octobre 2021, Mame Codou âgée de 98 ans est allée sur la tombe de son défunt père pour y effectuer de nouveau le rituel. Une véritable expédition! Cette fois-ci, elle a même pris la peine d’engager des ouvriers-maçons à qui elle a demandé de rafraichir la tombe dont les briques commençaient à se casser, pour honorer davantage la mémoire de père Lat Garangue Mbousse Ndiaye.
Le rituel après chaque récolte est fréquent chez les Sérères ayant des Pangols. C’est la tradition. Il faut continuer à la respecter. Parfois, il n’est pas nécessaire de décortiquer tous les savoirs qu’on nous lègue, il faut accueillir et accepter une part de mystère…. Cette vieille dame dont je vous conte l’histoire est en fait dotée de savoirs ancestraux qui lui valent le respect le plus absolue de toute une contrée. Elle est notamment connue pour les miracles que le créateurs accompli en se servant d’elle par exemple dans des cas critiques de femmes qui ne peuvent procréer. Il est d’usage de venir lui rendre visite au village pour une aide précise en ce domaine. A Makhadji ou à Niakhar n’importe quelle personne que vous accosterez dans la rue, vous conduira jusqu’à elle.
Mamyta MBACKE DIOUF